Jacques Perry Ecrivain |
Fidèle au vieux principe « Etonne moi », Maly m’a toujours étonné, le personnage d’abord, géant solide avec une tête de collégien anglais où pointe un nez de vigneron. J’aime sa douceur colèreuse, sa chaleur de timide, le mélange subtile de ses charmes russes et ses subtilités rhodaniennes.
Le peintre m’étonne autrement. Gardien de la lumière il n’a jamais cru que la peinture pouvait mourir. Les villes, les collines et la mer doivent encore être peintes dans un tremblement mystique. Magicien de l’eau-ciel, de ciel-eau, et des terres mystérieuses, ses métropoles en apesanteur se ressemblent parce qu’elles lui ressemblent, comme nostalgiques d’une Neva. A Venise la préférée, éternelle et menacée, les passants se noient dans la brume ou s’écartèlent sous la pluie.
Debout sur la piazzetta, pied sur une borne, carnet appuyé sur un genou, maly « croque » et ramène ses impressions-rapines dans sa longue maison rose : elles le nourrissent en secret et ressurgissent pour faire flamber l’antre-atelier. La palette est le grand magma d’où jaillissent éruptions et fusions. Vainqueur de son combat héroïque avec la toile, Maly est raide de peinture, comme son tablier, son chevalet, ses brosses, ses couteaux et ses doigts…
Il aime aussi peindre les hommes et les femmes, mais répugne à les individualiser. De près il leur fait un visage clownesque – nez en avant, petits yeux noirs – mais on devine que les femmes sont jolies et que les hommes sont des pantins. S’il rend hommage à Rembrandt, on peut penser que Rembrandt lui rend hommage tant ses drapiers se mettent à ressembler aux serveurs de Maly…
… Maly m’a encore étonné en 2004 avec ses Leçons des Ténèbres, trouant le profond noir des deuils avec la chasuble lumineuse du prêtre et l’éclair fulgurant qui surgit d’un Au-delà auquel il aurait subitement accès.
Jacques Perry - 2005
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