Ils ont écrit






Dominique Douay

Ecrivain

l existe, entre peinture et littérature, une frontière imprécise, une zone d'interactions où ces deux disciplines, loin de s'ignorer avec superbe, se fortifient l'une l'autre, renforcent ensemble leur pouvoir sur l'imaginaire. Si la chose, en littérature, est bien connue, si le voisinage y est désigné comme tel par le biais, souvent, de la métaphore ( le pastel des descriptions proustiennes, les sanguines d'un Hemingway...), force est de constater que la critique picturale ne renvoie qu'exceptionnellement l'ascenseur. Tout se passe comme si, pour les hommes qui font métier d'en parler, la peinture existait par elle même sans référence aux autres arts. Or - et le même raisonnement vaudrait pour la musique - les plus belles oeuvres sont celles qui se situent sur cette frontière désignée plus haut; ce sont celles qui racontent des histoires, qui nous font pénétrer de plain-pied dans un univers, un récit - bref, qui empruntent  quelques rouages aux mécanismes de la littérature.

        Maly est pour moi l'exemple type du peintre-romancier. Ses toiles sont autant de chapitres; ells ne donnent pas seulement à voir Venise ou la Mer du Nord, elles nous raconte ces paysages et les êtres qui les peuplent.

        En peinture comme en littérature, le talent fait rarement bon ménage avec la hâblerie. Celui de Maly est fait de pudeur et de discrétion. Les récits qu'il nous livre apparaissent rarement au premier coup d'oeil, comme s'il fallait d'abord se rendre digne d'une confidence. Ce que l'on remarque d'emblée, c'est la technique, l'utilisation de la lumière... toutes choses sur lesquelles il a déjà été écrit. Ce n'est que peu à peu les choses s'animent, qu'au détour d'un palais vénitien surgit Corto Maltèse flanqué d'une princesse masquée, qu'une voile se gonfle tout là- bas sur l'horizon de cette mer grise : le Hollandais Volant, qui sait ?

        Mais attention ! cette pudeur, cette discrétion, ne sont pas tout à fait innocentes. MALY sait exactement où il veut en venir, et ses toiles sont autant de pièges placés sous nos regards candides. Tentez l'expérience. Installez-vous confortablement face à une de ses toiles, laissez-vous aller jusqu'à atteindre  le récit interrompu qui constitue le cœur de l'œuvre. Renouez les fils de l'intrigue, faites repartir l'histoire. Mais restez vigilant...

        Qui, croyez-vous, sont ces personnages qui n'en finissent pas de déambuler sur les plages de ses Mers du Nord ? Qui, sinon les amateurs de l'œuvre de MALY, définitivement ensorcelés et projetés dans le récit immobile créé pour eux par le peintre ? 

Dominique Douay


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